Les Chutes du Niagara, Horseshoe Falls, 1930.huile sur toile
Icône de la nature américaine, le site des chutes du Niagara a longtemps fasciné les voyageurs et les artistes. Il existe de nombreuses représentations de ce paysage chez les peintres de la Hudson River School qui fut la grande école américaine du paysage au XIXème siècle : Fredrick Edwin Church (1826-1900) s'y essaya plusieurs fois ainsi qu'Alvan Fisher (1792-1863), John W. Casilear (1811-1893), Jasper Francis Cropsey (1823-1900) et bien d'autres encore.Chez les artistes français, le sujet est aussi très apprécié et l'on en trouve de nombreuses représentations gravées par des Français dès la fin du XVIIème siècle. Le musée de Blérancourt possède une vingtaine de ces représentations.
Plus rares sont les représentations dues au talent des peintres français à part peut-être les tableaux de Jean-Charles Joseph Remond (1795-1875), et d’Hyppolite Sebron (1801-1879) représentant les chutes sous la neige (vers 1857), tous deux conservés au musée des beaux-arts de Rouen.Léon Reni-Mel est né en 1893 et se forme auprès d’Édouard Detaille (1848-1912) et de Fernand Cormon (1845-1924). Pendant la Première Guerre mondiale, Réni-Mel est intégré dans un régiment d'infanterie. C'est à cette époque qu'il peint une saisissante composition intitulée France ! 1914, conservée au musée de l'Armée qui montre un poilu arrêté dans son élan par une balle ennemie.
Pour faire pendant à ce tableau, il entreprend une autre composition intitulée America qui représente un soldat américain soutenant un soldat français blessé. En 1921 Reni-Mel offre ce tableau à l'American Legion au cours d'une cérémonie au Cercle Interallié qui est documentée par des films et des photos. L'œuvre, qui a fait l'objet de plusieurs reproductions américaines, est aujourd'hui conservée au quartier général de cette organisation à Indianapolis, Indiana. C'est probablement à la suite de ce don que le président Woodrow Wilson le fit «citoyen d'honneur» des États-Unis.Bien qu'il se soit toute sa vie prévalu du titre de peintre de guerre et d'histoire, Léon Réni-Mel a a aussi réalisé nombre de portraits et de paysages français et américains. En effet, entre deux guerres, Réni-Mel ait des séjours prolongés aux États-Unis, vivant à New York de 1921 à 1937. Ses voyages le conduisirent au Canada, au Colorado, au Nouveau Mexique et en Louisiane.
Peint pendant sa période américaine, ce tableau représente la plus spectaculaire des deux chutes de Niagara, la Horseshoe Fall, située du côté canadien. Pour rendre sa forme en fer à cheval, la chute est souvent montrée d'en haut. Ici, au contraire, l'artiste a choisi un point de vue en contrebas qui exalte la grandeur du paysage. La composition est divisée en trois plans : un horizon très haut, la chute qui se présente comme un mur d'eau et le bassin aux eaux bouillonnantes, habilement parsemé de rochers qui guident le regard en lacets vers le second plan.
Au premier plan, deux petits personnages postés sur un rocher, donnent une échelle au paysage. Reni-Mel reprend ici un artifice largement pratiqué par les peintres de la Hudson River School pour exalter la dimension surhumaine du paysage. Il ne s'agit certes pas d'une représentation réaliste mais plutôt allégorique. On devine, dans des costumes d'Indiens des plaines, un père et son fils contemplant le grandiose spectacle de la nature.Cette œuvre est intéressante pour son traitement pictural. Le paysage baigne dans une harmonie de blanc et de bleus gris, rehaussé par l'ocre des rochers et par quelques tons plus rosés. Le traitement est légèrement stylisé : les chutes sont rendues par des aplats texturés, des nuages d'écume nuancés et des zones colorées au premier plan, cernées par le blanc de l'écume.