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Avant la Première Guerre mondiale, les artistes américains continuent à venir chercher des conseils auprès des maîtres français. De nombreuses femmes fréquentent alors les ateliers des peintres et des sculpteurs. C’est le cas de Gertrude Vanderbilt W

Les objets

Peinture
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© © Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Portrait de Peggy Guggenheim, 1926

1926

Huile sur toile 100 cm x 65 cm Inv. MNB CFA a 85-1

Amatrice d’art enthousiaste, collectionneuse éclairée, mécène, Peggy Guggenheim (1898-1979) est étroitement mêlée à la création artistique du XXe siècle. Petite fille d’immigrés - l’Allemand Seligman, couvreur enrichi dans la banque, et le Suisse Guggenheim, colporteur devenu propriétaire de mines de cuivre -, elle hérite d’une fortune colossale à la mort de son père, disparu en avril 1912 dans le naufrage du Titanic. Esthète au goût sûr et au discernement remarquable, ses goûts et sa formation ne la portent cependant pas au-delà de l’Impressionnisme. En France entre les deux guerres, elle rencontre des artistes et s’ouvre à l’art contemporain ; en 1938, elle ouvre une galerie à Londres, où elle exposa notamment les œuvres du peintre surréaliste Yves Tanguy. Elle utilise l’essentiel de sa fortune à constituer une collection d’œuvres d’art qui représente l’ensemble des courants avant-gardistes qui se sont succédés depuis le début du siècle : Cubisme, Futurisme, Constructivisme, Dada, Surréalisme, art abstrait… En 1941, la guerre la contraint à fuir l’Europe. De retour à New York, elle fonde en 1942 la galerie Art of the Century. Elle y accueille non seulement les artistes européens exilés, et plus particulièrement les Surréalistes - elle est alors l’épouse de Max Ernst -, mais aussi de jeunes artistes américains comme Robert Motherwell, Mark Rothko, Adolf Gottlieb ou Jason Pollock, les chefs de file d’un Expressionnisme abstrait. En 1948, elle revient en Europe et achète le Palazzo Venier di Leoni à Venise pour y installer son musée personnel qui est aujourd’hui le grand musée d’art moderne de la cité des Doges.

Alfred Courmes (1898-1993), que Peggy Guggenheim avait reçu dans sa villa de Pramousquier, près du Lavandou, a brossé son portrait à Paris. L’œuvre marque un tournant important dans l’évolution de cet artiste, admirateur des maîtres flamands et italiens. La jeune femme occupe, sur fond de ciel, les trois-quarts du tableau. A l’arrière-plan, à gauche, on aperçoit la voiture du modèle et sa propriété provençale qui domine la mer. Le sujet est encadré, dans le lointain, par de hauts arbres qui rappellent ceux qui entourent La Vierge au chardonneret de Raphaël.

En savoir plus : l'Histoire par l'image…

Peinture
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Morning light ou Lumière du matin, 1922
1922

Huile sur toile101,5 cm x 122 cm ;Inv. RF 1980.163Dépôt du Musée d’Orsay

Né à Philadelphie, Walter Elmer Schofield (1867-1944) fait ses études dans sa ville natale au Swarthmore College, puis à la Pennsylvania Academy of Fine Arts. Il vient ensuite à Paris, à l’Académie Julian qui accueille des étudiants étrangers, en particulier américains. Il y étudie avec William Adolphe Bouguereau (1825-1905). Il séjourne ensuite en Angleterre, en Cornouailles, où il côtoye les paysagistes du groupe de Saint-Yves qui peignent en plein air, sur le motif. Il y épouse Muriel Redmayne et se partage entre l’Angleterre, où résident sa femme et ses enfants, et les États-Unis. Il reste célèbre pour ses paysages d’hiver où dominent les bleus, peints en Angleterre et en Pennsylvanie.

Lumière du matin est une œuvre dense et vibrante que l’artiste créa dans sa maturité. Achetée en 1923 pour le Musée du Luxembourg, cette toile témoigne de l’influence considérable que pu avoir l’Impressionnisme sur la peinture américaine jusque dans les années vingt. C’est une véritable colonie américaine qui s’assembla autour de Claude Monet (1840-1926) au début du XXe siècle, sans jamais toutefois s’inspirer des dernières recherches, les plus audacieuses, du maître de Giverny.

Peinture
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© © Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Les rescapés de la sécheresse, 1936
États-Unis, 1936

Huile sur toile76,5 cm x 122 cmInv. JP 896 PDépôt du Musée National d’Art Moderne

Né en 1898 à Memphis, dans le Missouri, Alexandre Hogue passe son enfance à Denton, au Texas, et fait ses études à Dallas. De 1921 à 1925, pour subsister, il s’adonne à la calligraphie publicitaire à New York. Il enseigne ensuite dans les écoles d’art de Denton (1931-1936) et de Dallas (1936-1942), puis à l’Université de Tulsa, dans l’Oklahoma, de 1945 à 1968. En 1984, dix ans avant la mort de l’artiste, le Philbrook Art Center de Tulsa organise une grande rétrospective de son œuvre.

Peintre régionaliste, Alexandre Hogue exécute entre 1933 et 1936 une série de six toiles illustrant le Dust Bowl. Catastrophe écologique qui sévit pendant près de dix ans dans les États du Middle West, le Dust Bowl coïncide avec les années difficiles qui suivirent le krach de Wall Street en 1929. Le cœur agricole des Etats-Unis fut ravagé par la sécheresse et par de terribles tempêtes de poussière qui détruisirent les récoltes, ensevelirent les habitations et le matériel agricole, et jetèrent des milliers de fermiers sur les routes en direction de l’Ouest californien. Dans son roman Les raisins de la colère, John Steinbeck décrit de façon poignante cette période noire de l’histoire américaine.

Les rescapés de la sécheresse est probablement le plus célèbre tableau de la série. Le verdoyant paysage primitif a laissé place à un désert de sable que le vent sec et chaud a sculpté de dunes. Le tracteur à demi enfoui, la clôture rompue, suggèrent la disparition de toute activité humaine. Les cadavres des bovidés, l’arbuste privé de sève évoquent la mort d’une contrée jadis florissante. Dans sa lutte permanente contre les éléments hostiles, l’homme a été vaincu : la nature a repris ses droits comme en témoignent le reptile et le petit rongeur, les seuls survivants de cette sécheresse exceptionnelle. Alexandre Hogue a inscrit cette fragilité des œuvres humaines dans un paysage irréel dont la terrible beauté est chargée d’une forte intensité émotionnelle.

Peinture
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© Anne Dopffer
Les chutes du Niagara de Léon Réni Mel
1930
Les Chutes du Niagara, Horseshoe Falls, 1930.huile sur toile

 

Icône de la nature américaine, le site des chutes du Niagara a longtemps fasciné les voyageurs et les artistes. Il existe de nombreuses représentations de ce paysage chez les peintres de la Hudson River School qui fut la grande école américaine du paysage au XIXème siècle : Fredrick Edwin Church (1826-1900) s'y essaya plusieurs fois ainsi qu'Alvan Fisher (1792-1863), John W. Casilear (1811-1893), Jasper Francis Cropsey (1823-1900) et bien d'autres encore.Chez les artistes français, le sujet est aussi très apprécié et l'on en trouve de nombreuses représentations gravées par des Français dès la fin du XVIIème siècle. Le musée de Blérancourt possède une vingtaine de ces représentations.

Plus rares sont les représentations dues au talent des peintres français à part peut-être les tableaux de Jean-Charles Joseph Remond (1795-1875), et  d’Hyppolite Sebron (1801-1879) représentant les chutes sous la neige (vers 1857), tous deux conservés au musée des beaux-arts de Rouen.Léon Reni-Mel est né en 1893 et se forme auprès d’Édouard Detaille (1848-1912) et de Fernand Cormon (1845-1924). Pendant la Première Guerre mondiale, Réni-Mel est intégré dans un régiment d'infanterie. C'est à cette époque qu'il peint une saisissante composition intitulée France ! 1914, conservée au musée de l'Armée qui montre un poilu arrêté dans son élan par une balle ennemie.

Pour faire pendant à ce tableau, il entreprend une autre composition intitulée America qui représente un soldat américain soutenant un soldat français blessé. En 1921 Reni-Mel offre ce tableau à l'American Legion au cours d'une cérémonie au Cercle Interallié qui est documentée par des films et des photos. L'œuvre, qui a fait l'objet de plusieurs reproductions américaines, est aujourd'hui conservée au quartier général de cette organisation à Indianapolis, Indiana. C'est probablement à la suite de ce don que le président Woodrow Wilson le fit  «citoyen d'honneur» des États-Unis.Bien qu'il se soit toute sa vie prévalu du titre de peintre de guerre et d'histoire, Léon Réni-Mel a a aussi réalisé nombre de portraits et de paysages français et américains. En effet, entre deux guerres, Réni-Mel ait des séjours prolongés aux États-Unis, vivant à New York de 1921 à 1937. Ses voyages le conduisirent au Canada, au Colorado, au Nouveau Mexique et en Louisiane.

Peint pendant sa période américaine, ce tableau représente la plus spectaculaire des deux chutes de Niagara, la Horseshoe Fall, située du côté canadien. Pour rendre sa forme en fer à cheval, la chute est souvent montrée d'en haut. Ici, au contraire, l'artiste a choisi un point de vue en contrebas qui exalte la grandeur du paysage. La composition est divisée en trois plans : un horizon très haut, la chute qui se présente comme un mur d'eau et le bassin aux eaux bouillonnantes, habilement parsemé de rochers qui guident le regard en lacets vers le second plan.

Au premier plan, deux petits personnages postés sur un rocher, donnent une échelle au paysage. Reni-Mel reprend ici un artifice largement pratiqué par les peintres de la Hudson River School pour exalter la dimension surhumaine du paysage. Il ne s'agit certes pas d'une représentation réaliste mais plutôt allégorique. On devine, dans des costumes d'Indiens des plaines, un père et son fils contemplant le grandiose spectacle de la nature.Cette œuvre est intéressante pour son traitement pictural. Le paysage baigne dans une harmonie de blanc et de bleus gris, rehaussé par l'ocre des rochers et par quelques tons plus rosés. Le traitement est légèrement stylisé : les chutes sont rendues par des aplats texturés, des nuages d'écume nuancés et des zones colorées au premier plan, cernées par le blanc de l'écume.

Huile sur contreplaqué
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
La Revue nègre, 1925
France, 1925

Huile sur contreplaqué100 cm x 76 cmInv. JP 69 C 5

Au XIXe siècle, la colonisation a véhiculé en France une image négative de l’homme noir. C’est avec la Première Guerre mondiale que le regard porté sur les Noirs va se modifier. 193.000 Noirs - dont 180 000 tirailleurs sénégalais - sont recrutés par l’armée française. À l’image du sauvage bestial et monstrueux, soupçonné de cannibalisme, se substitue celle du «bon nègre», courageux, sociable et naïf, que la publicité vulgarise à travers les célèbres affiches Banania.

Dans le Paris des années folles, l’esthétique nègre est désormais à la mode. En 1925 est organisée la première exposition d’art nègre, un art qui va influencer considérablement les Fauves et les Cubistes. C’est le peintre cubiste Fernand Léger qui conseille à André Daven, administrateur du Théâtre des Champs-Élysées, de monter un spectacle entièrement exécuté par des Noirs : la fameuse Revue nègre. L’Américaine Caroline Dudley constitue la troupe à New York : vingt-cinq artistes dont douze musiciens - parmi lesquels Sidney Bechet -, et une danseuse vedette, Joséphine Baker (1906-1975).

L’affichiste Paul Colin est chargé de la réalisation de l’affiche de la revue. Joséphine Baker y apparaît dans une robe blanche ajustée, les poings sur les hanches, les cheveux courts et gominés, entre deux hommes noirs, l’un portant un chapeau incliné sur l’œil et un nœud papillon à carreaux, l’autre arbore un large sourire. Cette œuvre est l’une des plus grandes réussites de l’Art déco dans la mesure où les déformations cubistes rendent admirablement le rythme du jazz, nouveau en France à cette époque.

À l’instar de Joséphine Baker et Sidney Bechet, d’autres artistes afro-américains ont séjourné en Europe : des peintres - Loïs Malou Jones, Henry Ossawa Tanner -, des sculpteurs - Augusta Savage, Nancy Elisabeth -, des poètes comme Langston Hughes ou des romanciers comme Claude Mac Kay. Ils trouvent à Paris le lieu où prolonger la «renaissance nègre» de Harlem et y apprécient une société libérale et, par-dessus tout, l’absence de ségrégation.

 

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Sculpture Bronze
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Co-Co (Lapin aux oreilles couchées), 1924
1924

BronzeH : 25 cm ; L : 30,5 cm ; l : 18 cmInv. JP 151 SDépôt du musée national d’Art moderne

Née à New York en 1886, Eugénie Frédérica Shonnard étudie le dessin et la peinture à la New York School of Applied Design for Women, sous la direction d’Alfons Mucha (1860-1939), l’une des figures de proue de l’Art nouveau. C’est James Earl Fraiser qui l’initie à la sculpture à la Art Students League de New York. Peu après la mort de son père en 1911, Eugénie Shonnard part avec sa mère pour Paris où elle travaille sous la direction d’Auguste Rodin (1840-1917) et d’Antoine Bourdelle (1861-1929). Au tout début de la Première Guerre mondiale, en août 1914, elle regagne les États-Unis et finit par s’installer définitivement à Santa Fe, au Nouveau Mexique, en 1927. Elle a une prédilection particulière pour la figuration d’indiens. À partir des années 1920, l’essentiel de sa production fut animalière, comme en témoigne cette œuvre, fondue à Paris et achetée par l’État français en 1926.

Sculpture Marbre noir
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Étude de tête pour le Mémorial du Titanic, vers 1924
1924

Marbre noirH. : 31,5 cm x L : 20,5 cm x l : 22,5 cmInv. JP 59 SDépôt du musée national d’Art moderne

Née à New York en 1875 dans une famille fortunée, Gertrude Vanderbilt épouse le financier Harry Payne Whitney en 1896. Passionnée de sculpture, elle aurait aimé travailler sous la direction d’Augustus Saint-Gaudens. Elle acquit la maîtrise de son art avec Hendrick Christian Andersen et Andrew O’Connor qui l’incite à se tourner vers la sculpture monumentale. Au cours de ses nombreux séjours à Paris, elle côtoye les milieux artistiques de Montmartre et de Montparnasse et, surtout, rencontra Rodin qu’elle admire et dont elle subit l’influence.

Gertrude Whitney a réalisé cette étude de tête pour un monument dédié aux victimes du naufrage du Titanic, survenu dans la nuit du 14 au 15 avril 1912 au large des côtes de Terre-Neuve. Ce mémorial se trouve aujourd’hui dans Channel Park à Washington. Il est communément admis que le sculpteur s’est inspiré du visage de son frère, Alfred Vanderbilt, lui-même disparu dans le naufrage du Lusitania, paquebot anglais torpillé par un sous-marin allemand le 7 mai 1915, au large de l’Irlande.

Gertrude Vanderbilt Whitney emploie sa fortune considérable à aider et à encourager les jeunes artistes américains. En 1918, elle crée à New York le Whitney Studio Club, une galerie d’exposition qui est également un lieu de rencontres et d’échanges. Elle réunit une collection de quelque six cents œuvres d’art, tant peintures que sculptures, et tente d’en faire don au Metropolitan Museum, qui la refuse. Elle décide alors de fonder son propre musée : en 1931, le Whitney Museum of American Art ouvre ses portes dans la 8e rue de New York. Par son action en faveur des jeunes artistes, elle favorise l’émergence d’une esthétique américaine originale, dégagée des influences artistiques européennes.