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Le fonds documentaire Anne Morgan, laissé par les volontaires du C.A.R.D. en 1924, rassemble de très nombreuses photographies, mais aussi des films – redécouverts par hasard en 1995 – qui étaient destinés à drainer des fonds aux Etats-Unis.

Le fonds documentaire Anne Morgan, laissé par les volontaires du C.A.R.D. en 1924, rassemble de très nombreuses photographies, mais aussi des films – redécouverts par hasard en 1995 – qui étaient destinés à drainer des fonds aux Etats-Unis. Restaurées minutieusement, ces richesses iconographiques invitent le visiteur à découvrir la vie quotidienne des sinistrés de l’après-guerre, leurs conditions de vie, l’ambiance de la reconstruction, tout en suivant le C.A.R.D. dans son action. Elles racontent l’histoire de ces femmes expatriées qui se sont totalement investies dans une action humanitaire d’envergure, loin de leurs proches et de leur destinée première.

Les objets

Photographie
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Anne Morgan dans son uniforme du C.A.R.D., Aisne, vers 1917
Aisne, vers 1917

Fonds photographique Anne Morgan - Inv. 1880, M481

Née en 1873 à Highland Falls, dans l’État de New York, Anne Tracy Morgan est la fille du banquier John Pierpont Morgan. Active et indépendante, elle refuse très tôt de devenir une «riche idiote», esquive le mariage et participe à la fondation d’associations féminines aux Etats-Unis. À la mort de son père, en 1913, elle hérite d’une fortune considérable. Dès 1914, elle se mobilise en faveur des populations civiles françaises et, en avril 1917, elle crée, avec son amie Anne Murray Dike, le Comité américain pour les Régions dévastées (C.A.R.D.) afin de venir en aide aux populations sinistrées de l’Aisne, particulièrement éprouvées par les destructions et les difficultés de ravitaillement. L’armée française lui confie le domaine de Blérancourt, situé à quelques kilomètres du front. Après la victoire, Anne Morgan achète les ruines encore belles du château de Blérancourt, les restaure et y réunit les premières collections d’un musée des relations franco-américaines qu’elle lèguera à la France en 1929.

En août 1939, lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, Anne Morgan est en France. Dès septembre, elle organise, anime et préside le Comité américain de Secours civil (C.A.S.C.) dont une antenne est installée à Blérancourt, une autre à Revin dans les Ardennes, et une troisième à Bellac en Limousin. Pendant la «drôle de guerre» (3 août 1939 - 10 mai 1940), cette association humanitaire fonctionne sensiblement comme le C.A.R.D. Lors de l’invasion allemande, le C.A.S.C. encadre l’exode des populations civiles vers le Sud et aide à l’installation des habitants de l’Aisne dans la Mayenne et de ceux des Ardennes en Vendée et dans les Deux-Sèvres. Anne Morgan quitte la France en décembre 1940 mais y revient en juin 1945, au moment de la libération, accompagnée de nombreux volontaires américains et de neuf tonnes de matériel et de vivres. Le C.A.S.C. poursuivra son œuvre sociale et humanitaire jusqu’au début des années 1950. Quant à Anne Morgan, elle s’éteindra le 29 janvier 1952 dans sa maison de Mount Kisco, près de New York, mais la France n’attendra pas son décès pour exprimer solennellement sa reconnaissance pour cette femme d’action : parmi de nombreuses distinctions honorifiques – Mérite agricole, Croix de Guerre, Palmes académiques –, Anne Morgan reçoit la Légion d’Honneur en 1924 ; elle est élevée au grade de Commandeur en 1932.

Photographie
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Le déblaiement des ruines de l'église d'Ambleny, 1919
Ambleny, 1919

35 X 50 cmFonds photographique Anne Morgan - Inv. PH480

À l’issue de la première guerre mondiale, le flux et le reflux des combats, la stabilisation du front dans l’Aisne et la Somme pendant de longs mois, ont dévasté des régions entières où villes et villages ne sont plus que des amas de ruines : c’est la zone rouge. La guerre n’a pas épargné les monuments historiques civils et religieux : châteaux de Ham et de Coucy, cathédrale de Reims, abbayes cisterciennes de Longpont et de Vauclair, abbaye Saint-Jean-des-Vignes et cathédrale de Soissons, ville-martyr dont le centre urbain, lourdement bombardé, doit être rasé et entièrement reconstruit.

Petit village du canton de Vic-sur-Aisne, Ambleny est doté d’une église des XIIe et XVIe siècles, dédiée à Saint Martin, classée monument historique le 27 juillet 1907. Théâtre d’intenses bombardements allemands les 16 et 17 septembre 1914 lors du repli consécutif à la bataille de la Marne, la bourgade connaît d’importantes destructions au moment de la reprise de la guerre de mouvement en juillet 1918. L’église est particulièrement touchée par les bombardements comme en témoigne cette photographie prise en 1919. L’édifice a néanmoins été reconstruit à l’identique après la guerre.

Photographie
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
La maison de madame Bazin à Nouvron,1919
Nouvron - Aisne, 1919

Fonds photographique Anne Morgan – Inv. PH494

Petit village du Soissonnais, Nouvron-Vingré est situé sur la ligne de front de 1914 à 1917. Malgré une défense française héroïque mais vaine, il est occupé dès septembre 1914 par les troupes allemandes qui exercent des représailles meurtrières sur la population civile comme en témoigne une stèle commémorative érigée après 1918 à la mémoire de la famille Amaury-Lacareux, fusillée par les forces ennemies en septembre 1914.

Cette émouvante photographie montre une vieille femme, Madame Bazin, seule, assise devant sa maison dont seuls les murs sont encore debout. Elle contemple l’étendue désolée d’un village qui a subi pendant trois ans le feu croisé des belligérants et dont il ne subsiste que des ruines. Au premier plan, on aperçoit un camion du C.A.R.D.

Photographie
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Miss Hughes et Miss Wilde au garage du Comité à Vic-sur-Aisne
Vic-sur-Aisne, vers 1921

16,5 x 23,2 cmFonds photographique Anne Morgan

L’efficacité de l’aide humanitaire du Comité américain pour les Régions dévastées (C.A.R.D.) est subordonnée à l’existence d’un important service de transport. En effet, l’isolement des villages ruraux a été aggravé par la destruction des routes et des voies ferrées. En 1921, le C.A.R.D. se trouve à la tête d’un parc automobile de plus de 63 véhicules, notamment constitué de voitures Ford et de petits camions Dodge. Essentiellement composées de femmes, les équipes du Comité américain sillonnent la Picardie et acheminent en priorité denrées alimentaires, vêtements, couvertures, ustensiles de cuisine, outils agricoles, semences et bétail. Recrutées pour leur connaissance de la conduite automobile, ces «chauffeuses» américaines repassent néanmoins leur permis de conduire en France avant d’être affectées à un centre de l’Aisne. Elles doivent assurer elles-mêmes l’entretien courant de leurs véhicules : graissage, changement des ressorts de suspension, nettoyage des têtes de cylindres ou rodage des soupapes. En cas de panne, elles doivent être capables de faire seules des réparations simples. Pour les populations rurales de l’Aisne, la présence au volant de ces jeunes femmes étrangères, animées d’un dynamisme viril et courageux, ne laisse pas d’être surprenante et suscite l’admiration.

Photographie
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Bibliothèque à Anizy-le-Château (Album VII)
Anizy-le-Château, vers 1919

15,6 x 22,3 cm. Fonds photographique Anne Morgan – Inv VFPH743

Que ce soit pour les soldats ou pour les milieux populaires des zones sinistrées, le Comité américain pour les Régions dévastées (C.A.R.D.) considère que l’effort d’éducation va de pair avec l’aide sanitaire et matérielle. Entre 1919 et 1921, il crée cinq bibliothèques publiques dans l’Aisne. Implantées à Blérancourt, à Vic-sur-Aisne, à Anizy-le-Château, à Coucy-le-Château et à Soissons, elles sont organisées par Jessie Carson, volontaire américaine venue de la New York Public Library. Des bibliothécaires américaines viennent former leurs collègues françaises, comme Victorine Vedrine, originaire d’Antibes, qui anime la bibliothèque d’Anizy-le-Château en 1923 et qui travaillera ensuite à Blérancourt et à Soissons.

Logées dans des baraquements peints en blanc, les salles de lecture sont largement éclairées par de nombreuses fenêtres. Le mobilier, fabriqué en bois de pitchpin venu des Etats-Unis par les ateliers du C.A.R.D., est composé de tables rondes, de chaises et d’étagères murales. Des sections enfantines sont spécialement aménagées. Dotées de meubles adaptés à la taille des jeunes lecteurs, elles sont pourvues d’albums richement illustrés. L’accès à ces bibliothèques est gratuit. Pour promouvoir la lecture auprès des populations des villages isolés, le C.A.R.D. met en place des bibliothèques circulantes à partir de 1920.

Les bibliothèques du C.A.R.D. sont ainsi des lieux de socialisation qui contribuent à renouveler en profondeur la notion de lecture publique en France.

Photographie
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Le lancer de javelot dans le parc de Saint-Crépin, 5 juin 1921
Parc de St Crépin, Soissons le 5 juin 1921

Fonds photographique Anne Morgan – Inv VFPH984

De 1917 à 1924, le Comité américain pour les Régions dévastées (C.A.R.D.) mène dans le Soissonnais une action de reconstruction exemplaire qui vise à rebâtir ce territoire sur le plan économique, mais aussi éducatif, social et moral. En effet, les volontaires américaines ne se contentent pas de distribuer du ravitaillement et d’apporter une aide à la reconstruction matérielle. Elles œuvrent également à la reconstruction morale et sociale des populations en créant un réseau d’infirmières-visiteuses, en ouvrant des bibliothèques, des foyers, des jardins d’enfants, en encourageant le scoutisme, en organisant des fêtes dans l’espoir de retisser le lien social. Elles s’attachent particulièrement à promouvoir la pratique du sport auprès des enfants et des adolescents. À leurs yeux, non seulement les activités sportives favorisent l’épanouissement physique des jeunes, mais elles contribuent au développement de qualités morales : dépassement de soi, émulation, culte de l’excellence et sens du fair-play. Ainsi, au cours de l’année 1921, de nombreuses fêtes sportives sont organisées dans le Soissonnais. Ces manifestations donnent lieu à des démonstrations – comme ici le lancer du javelot –, suivies de compétitions dont les vainqueurs sont récompensés par des trophées financés par les donatrices américaines.

Photographie
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© Musée franco-américain du château de Blérancourt - RMN
Camp du Francport. Le sourire des boys-scouts
Forêt de Compiègne- Le Francport, 1920

ou «Un scout est toujours de bonne humeur»Photographie - n°inv. VF-PH-487

Fondé en 1908 en Angleterre par Robert Stephenson Smith Baden-Powell (1857-1941), le scoutisme est un mouvement de jeunesse qui connaît, dès sa création, un immense succès et va rapidement essaimer dans le monde entier. Il a pour but de contribuer au développement harmonieux de la personne humaine en favorisant l’épanouissement physique et moral des jeunes par des activités sportives et ludiques en contact direct avec la nature, en les sensibilisant au service d’autrui et en créant les conditions d’un véritable apprentissage du respect des règles de la vie en société.

En 1920, le Comité américain pour les Régions dévastées (C.A.R.D.) utilise l’expérience du scoutisme pour encadrer les jeunes des zones sinistrées et pour les tenir éloignés des dangers de l’alcoolisme et d’un bolchevisme subversif. Il organise ses premiers camps pendant l’été 1920 dans la forêt de Compiègne - au Francport et à Lacroix-Saint-Ouen - et dans l’Aisne, à Corcy. Les activités du C.A.R.D. dans le domaine du scoutisme dureront jusqu’en 1923.

Photographie
Anne-Morgan
Blérancourt - Anne Morgan